Texte par Philippe Pailhories // Photographies par Guilhem Canal
Petite, quand son instituteur ou un ami de passage lui demandait ce qu’elle souhaiterait faire plus tard, elle répondait inlassablement : « Je voudrais aider les autres ». « Le problème, sourit-elle, c’est que j’ai mis un certain temps avant de savoir comment m’y prendre. » Préparatrice physique depuis
2017, préparatrice mentale depuis 2018, elle les aide en partageant ses expériences, en donnant des conférences, en réalisant des exploits aussi. Ludivine Blanc détient six records du monde dans deux sports différents : le Ice Swimming et le sauvetage sportif qu’elle pratique en complément de la natation. « J’essaie de les inspirer pour qu’ils aient envie de bouger eux aussi, de se surpasser. » Elle les aide plus concrètement encore lorsqu’elle partage ses aventures avec des associations comme « Des étoiles dans la mer », « Éthique et sport » ou encore « La Fédération Française de Cardiologie »; un engagement qui a d’autant plus de sens qu’elle souffre, elle-même, d’un problème cardiaque.
Ludivine Blanc a 15 000 idées à la seconde et ça l’effraie un peu parfois parce que « ça réclame beaucoup d’énergie ». À la fin du mois de septembre, elle va participer au Marathon des Sables à Fuerteventura, une aventure sportive d’une semaine qui mélange découverte du pays, rencontres et dépassement de soi. Le souci, c’est qu’elle n’a pas beaucoup couru ces derniers temps. « Et puis, dit-elle, avoir trop chaud, ça me dérange et ça me pose problème. » Depuis quatre ans, elle songe paradoxalement à cette épopée de 120 kilomètres dans le désert, elle qui n’aime pas l’endurance. « J’entraîne mon corps à faire des efforts de trente secondes/ une minute, et je vais devoir le préparer différemment cette fois. Les épreuves sur plusieurs jours m’intéressent vraiment. Pourtant, j’ai essayé de traverser l’Espagne à vélo, et j’ai pris une claque. C’était horrible. La première nuit, j’ai essuyé
une tempête de grêle dans les Pyrénées. Je pensais réussir avec mes seules qualités. Je me suis rendu compte que je ne savais pas les utiliser quand il le fallait, comme il le fallait et, surtout, que je ne les utilisais pas à fond. » C’est ce même goût pour le challenge qui l’a donc poussée dans l’eau glacée. « J’ai eu un accident de vélo avec traumatisme crânien et commotion cérébrale, raconte-t-elle. Je ne sais même pas comment je m’en suis sortie. Je ne voyais plus rien de l’oeil gauche. Les médicaments ne m’aidaient pas à aller mieux. J’avais des migraines atroces, je faisais d’horribles cauchemars, et je ne pouvais pas aller nager parce que j’avais des agrafes sur la tête. On m’a fait faire de la cryothérapie. Le froid m’a aidée à aller mieux. Et puis on m’a parlé de la nage en eau glacée. Il n’y a ni plongeon, ni culbute, pas de pression sur les cicatrices non plus, puisqu’on ne peut laisser la tête sous l’eau plus de cinq mètres. Tous les critères qui m’empêchaient de nager étaient donc levés. Et puis, grâce au froid, je n’avais pas mal quand je nageais. » Les championnats de France sont organisés au mois de décembre à Samoëns. Les championnats du monde le mois d’après sur ce même bassin du Lac aux Dames. Elle s’engage. Rafle tout. « Tout le monde dit que c’est exceptionnel, soupire-t-elle, mais il y a beaucoup de souffrance derrière ça. »
“ ÇA N’A JAMAIS ÉTÉ MON RÊVE DE PARTICIPER AUX JEUX ”
Elle dit d’ailleurs qu’avoir froid, ça lui fait peur et qu’elle admire ces dames qui peuvent rester plusieurs minutes dans l’eau glacée. Elle nage les courtes distances, le 50 m et le 100 m. « Le 1000, dit-elle, on reste 17 minutes dans une eau à moins de 5° et physiquement,je ne suis pas capable de tenir,
je n’ai pas le gras qu’il faut. » Au mois de juin, elle a terminé à la 6e place de la finale B du 50 m nage libre des championnats de France à Angers. Elle n’était pas préparée à aller chercher une qualification olympique. Pas forcément déterminée non plus. « Ça n’a jamais été mon rêve de participer aux Jeux, assure- t-elle. Je voulais juste vivre une grosse compétition internationale dans ma vie. J’ai disputé les world games et en vérité, ça m’a plus embêtée qu’autre chose. » En fait, Ludivine Blanc se cherche toujours un petit peu. « C’est très bizarre, avance-t-elle, on dirait que tout est éclaté dans ma vie, alors qu’en fait, tout est lié. Le lien, c’est la performance. Se fixer un objectif et l’atteindre. À certains moments, cet objectif, c’était me lever de mon lit. Me laver les dents. Aller à l’école et ne pas pleurer devant les autres quand ma mère avait le cancer. »
Elle concède qu’elle s’est « auto-sabotée » par rapport aux Jeux olympiques. Elle aime faire les choses dans son coin, à sa manière, pas forcément se plier à toutes les règles ni se priver des plaisirs qu’elle envisage. D’où cette idée du Marathon des Sables. « Mais j’ai peur que ce soit la même histoire que pour
le vélo, concède-t-elle. Mon entraînement n’est pas suffisant; côté alimentaire, ça va aussi être compliqué. C’est comme pour l’eau glacée. Je voulais nager 25 m. Me dire que deux mois auparavant j’étais au fond du gouffre et que j’avais réussi à plonger mon corps dans une eau à moins de 5°. J’ai nagé 100 m. Battu des records. J’ai découvert que l’adrénaline me protégeait pendant les épreuves. »
Elle la protègera peut-être aux Canaries. Peut-être pas. Peu importe en vérité. Les combats de sa vie lui ont donné le goût de l’aventure. Elle veut prouver. Se prouver. « Je sais que je ne suis pas parfaite, j’ai un parcours de vie un peu particulier entre les problèmes familiaux, mes problèmes perso, de santé, de dépression. J’ai vécu des choses pas très sympa, et je n’ai pas toujours eu le soutien que je voulais. C’est peut-être pour ça que je veux apporter aux autres ce soutien que je n’ai pas reçu. » Ludivine Blanc a 29 ans. Un jour, quand elle en aura terminé avec tout ça, elle s’achètera un voilier pour partir en mer. Elle a passé tous ses permis, et notamment le hauturier en février dernier. Elle aimerait aller à Tahiti avec son bateau. « J’ai failli y partir il y a deux ans. Je sais que j’irai un jour. En bateau, en avion, peu importe, mais j’irai là-bas. » Encore un challenge…