Quand Marc Sanchez, professeur de mécanique moto, a commencé à solliciter l’Éducation Nationale avec son projet d’emmener ses élèves, préparant un diplôme de maintenance moto, participer à des courses de motos dans une configuration professionnelle, on ne peut pas dire que grand monde croyait dans la faisabilité du projet : dangereux, trop cher, trop chronophage… trop tout quoi. Dans un premier temps, le projet pédagogique consiste à permettre à une dizaine d’élèves, sur la base du volontariat et du mérite scolaire, de participer à la gestion d’une équipe de mécaniciens au service des participants du Moto Tour, rallye de régularité parcourant la France. « À l’époque, les équipes officielles géraient 2 ou 3 motos durant le rallye, se souvient Marc Sanchez. Avec le même nombre d’élèves mécaniciens, on se retrouvait à entretenir 40 à 50 motos, chaque soir, toutes différentes, je pense que cela a marqué les esprits. » L’assureur Montpellierain, la Mutuelle des Motards accompagne ce tour de chauffe en apportant le budget nécessaire à l’opération, considérant que la sécurité des motards commence par un bon entretien. Rapidement, le projet démontre tout le bénéfice apporté aux élèves souvent en manque de confiance en eux au moment de défendre leur choix d’une formation professionnelle. Comme tout bon pilote moto qui se respecte, Marc décide de pousser un peu plus la machine à la limite et décide créer le team FMR34. Pour y arriver, et c’est le plus important, il trouve une oreille attentive auprès de son proviseur Benoit Greller qui comprend tout le bénéfice pédagogique à tirer de cette aventure, il s’appuie sur une équipe pédagogique constituée de Fréderic Bricault, Brice Galy et du petit dernier Yoni Malet, son ancien élève, prête à sacrifier ses jours de congés pour mener à bien ce projet un peu dingue. Sans jamais douter, le professeur de maintenance moto démarche Yamaha pour obtenir une moto R1 de stock, Bridgestone pour les pneus et le Nîmois Furygan pour l’équipement des pilotes. Il convint aussi des pilotes de l’accompagner dans cette aventure. L’écurie s’inscrit à des courses de catégories intermédiaires et démontre rapidement sa capacité à s’intégrer dans le circuit très fermé de la course d’endurance. En 2022, l’écurie voit sa demande de participation au Bol d’Or validée ! L’inscription à la plus ancienne et mythique des courses d’endurance du monde s’accompagne de la signature d’un partenariat avec le groupe Total. Le géant pétrolier développe un carburant révolutionnaire, sans pétrole, produit à base de déchets issus de la viticulture. Ces résidus, autrefois jetés, sont maintenant transformés en un carburant propre. Les élèves ont alors l’opportunité unique de tester et de comprendre ce nouveau carburant, de mesurer ses performances en conditions réelles et d’étudier son impact sur les moteurs. La première participation de l’écurie FMR34 au Bol d’Or voit la moto terminer la course, en tête de sa catégorie expérimentale et apporte à l’ensemble de l’équipe un éclairage qu’elle n’attendait pas. Cette expérience, loin d’être une simple sortie éducative, met les élèves mécaniciens en première ligne. Ils se confrontent à la réalité de la compétition, des enjeux techniques et de la pression de l’événement, car ce sont bien les élèves qui dirigent l’écurie, les professeurs n’étant présent que pour conseiller les « students managers ». Pour certains, c’est une immersion totale, passant des mois à préparer la moto pour la course, s’assurant que chaque composant est optimal. Mais leur formation ne s’arrête pas à la mécanique pure et à la réussite. Les étudiants apprennent aussi la responsabilité. Lors de l’édition 2023 du Bol d’Or, confrontée à des incertitudes concernant la sécurité du moteur qu’elle avait préparé, l’écurie doit prendre la décision difficile, mais sage, d’abandonner la course. « C’est moi qui ai pris la décision explique Marc Sanchez. Nous étions à la limite de la sécurité et je ne voulais pas faire porter cette responsabilité à nos élèves. Cela a été dur pour toute l’équipe mais nous avons tous appris tellement de cette décision, une décision responsable d’ailleurs saluée par la direction de course. » La confiance mutuelle née de cette aventure conduit même la direction course du constructeur Yamaha à laisser à l’écurie, et donc aux étudiants du lycée Pierre Mendès-France, la responsabilité de décortiquer le moteur pour en identifier les faiblesses. Une vraie fierté pour l’ensemble de l’équipe. Participer à un tel évènement ne demande pas seulement la contribution de pilotes et de mécaniciens. Au fil des compétitions, l’écurie s’est attaché les services d’une équipe de kinésithérapeute, le reportage photo qui accompagne cette histoire est le projet de fin d’étude de Louis Gaday, étudiant en audiovisuel. Ce que l’on appelle le catering ou restauration collective est assuré par une brigade de cuisine accompagnée de son professeur issus des rangs du Lycée Georges Frêche et bientôt ce seront les élèves du lycée Champollion qui assureront toute la production graphique. « Arriver à réunir toutes ses compétences en s’appuyant sur les élèves du secteur de la formation professionnelle, c’est certainement ce qui nous rend le plus fier, conclut Marc » La réussite de cette aventure a fini de convaincre les plus dubitatifs… au point que l’éducation nationale a demandé à Marc Sanchez de repousser son départ à la retraite pour assurer la pérennité du projet.