Son sourire, c’est un peu l’épitaphe de tout ce qu’il a vécu. Originaire de Martinique, Christophe naît à Épinal, dans les Vosges. « Mon père était militaire de carrière, nous avons beaucoup bougé », raconte-t-il. À quatorze ans, son chemin le mène à Montpellier. « C’est à cet âge-là que j’ai découvert les Arts Martiaux grâce à un ami. Je n’avais jamais pratiqué de sport avant, ma santé était trop fragile. Cela va être une révélation pour moi. Je vais aussi découvrir que ma plus grande force n’est pas mon physique mais bel et bien mon mental. » Ceinture noire de karaté, expert en self-défense et diplômé d’État en Boxe Thaïlandaise, il compte à son actif plus de 100 combats. C’est aussi l’un des pionniers du MMA (Mixed Martial Arts) français. « J’ai commencé les combats à la vingtaine et je vais surtout me mettre à toucher à toutes les disciplines. J’avais découvert le MMA au milieu des années 90, mais c’était interdit en France. Alors pour progresser, je fais le tour des clubs de judo. J’ai appris les bases. Je suis allé dans des cours de lutte, j’ai appris à projeter pour me construire mon bagage technique. J’ai acheté des livres. Je me suis entraîné et je me suis orienté de plus en plus vers le combat libre. Pour moi un pratiquant d’arts martiaux doit savoir tout faire face à un adversaire : frapper, saisir, projeter, combattre au sol. Ces pratiques sont l’essence même du Budo, » la voie du guerrier « , qui était suivie par le Samouraï. C’est cette polyvalence que l’on retrouve aujourd’hui dans les combats de MMA. » Alors qu’il termine un BTS en commerce international, Christophe va faire le choix d’intégrer la Police. « En 1997, je suis vainqueur de la Coupe de France de Viet-Vo-Dao. J’ai été décoré par le ministère de la Jeunesse et des Sports en présence du préfet. Il m’a dit » vous savez, la police a besoin de jeunes comme vous, réfléchissez-y « . J’ai gardé ça à l’esprit. J’ai passé le concours pour l’École juste après mon service militaire et j’ai été pris ». Sa carrière est un roman d’aventures : vingt-cinq années d’expérience au service de l’État et des entreprises, y compris des missions pour le groupe Michelin en Inde et pour les Nations Unies. Sorti deuxième national de l’École des gardiens de la paix, il intègre l’unité des CRS. « Mon coach de l’époque va me proposer de faire des combats de MMA dans les pays de l’Est, ce n’est toujours pas légalisé en France à ce moment-là. » Vainqueur du Total Fighting Championship 1 en Hongrie en 2003 par étranglement au 1er round, il combat la même année Johny Tancray, une légende. « Je suis vainqueur du combat libre du LM 3 en Corse face au Champion du Monde de Boxe Thaïlandaise, par soumission au 1er round. C’était un gros challenge », se souvient-il. Ambassadeurs, procureur chef de la section anti-terroriste, témoins menacés, hommes politiques… pendant neuf ans, Christophe va travailler comme garde du corps en France et à l’étranger. « J’ai l’opportunité d’intégrer le GPPN, le Groupe de protection de la Police nationale. Je vais continuer à m’entraîner, mais je ne vais plus pouvoir combattre. À haut niveau, il faut une hygiène de vie, dormir, manger… quand on est garde du corps, on dort quand on peut et c’est pareil pour les repas. Je travaillais 15 heures par jour. » En 2011, il revient à Montpellier en compagnie d’intervention, une unité qui s’occupe essentiellement de maintien de l’ordre, avant de prendre une disponibilité d’un an pour partir en Inde. « En parallèle, j’ai été le responsable de l’Institut des arts martiaux de Montpellier et j’ai tenu une salle pendant sept ans. C’était une référence à Montpellier. J’ai formé beaucoup champions. Au-delà du physique ou de la performance, je pense très sincèrement que la philosophie des arts martiaux peut aider à améliorer notre société. » Depuis la COVID-19, Christophe donne des cours dans une autre salle à Montpellier. Des prestations privées ou collectives qu’il complète avec de la préparation mentale. « J’accompagne des sportifs qui par exemple préparent les qualifications pour les Jeux paralympiques ou même des chefs d’entreprises. J’ai passé un diplôme pour ajouter une corde à mon arc. » Il est quintuple décoré de la Médaille d’Honneur de la Police Nationale, et deux fois récipiendaire de la Médaille du ministère de la Jeunesse et des Sports, et ses actes de courage sont le témoin vivant de son credo : « Agir en homme de pensée et penser en homme d’action » selon Henri Bergson. En 2022, le destin, ce mystérieux sculpteur d’âmes, a voulu le tester. Percuté par une voiture alors qu’il est en intervention, il frôle l’amputation. Mais sa résilience l’amène à se relever. « Le choc a été très violent, j’ai dû subir plusieurs opérations suivies de longs mois de convalescence. C’est grâce à mon mental que je m’en suis remis. J’ai choisi l’une des plus belles professions mais aussi l’une des plus difficiles. On est au service des hommes et des femmes. Alors lorsqu’un tel évènement arrive, on se dit que quand même l’addition est salée. Mais d’un autre côté, dans un service comme la BAC, on est constamment sur le fil du rasoir, tous les jours, on tire la queue du diable. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Oui sans hésitation. » Récemment, c’est un nouvel amour qui est entré dans sa vie : les chevaux. « J’ai découvert ce monde grâce à un collègue de travail. Après quelques jours passés avec lui et ses chevaux, j’ai trouvé l’équilibre qui me manquait. Une semaine après, j’adoptais une jument, Bagheera, une Arabe-Barbe, puis Escudo, un Aztèque. C’est le cheval par excellence du Cowboy », souligne-t-il. Ce n’est pas simplement une équitation quelconque qu’il embrasse, mais la montre Western. Désormais, il n’est pas rare de le voir deux à trois fois par semaine, en jean et chemise, coiffé du Stetson et chaussé de bottes, monter Escudo et trier les chevaux. Dans le silence apaisant des plaines camarguaises et sous le regard bienveillant de ses chevaux, il trouve un remède à l’âme. Mais Christophe ne s’arrête pas là. « Je vais donner des cours à la fac à Paris pour faire un cursus sur la protection rapprochée. J’ai 47 ans, j’ai envie de partager mon expérience » s’enthousiasme-t-il. Pour celui qui a appris à naviguer entre les tempêtes et les jours ensoleillés, le moment est venu de transmettre. Non pas seulement son savoir-faire, mais aussi son savoir-être, sa philosophie de vie. Christophe est un héros moderne qui sait que la liberté n’est pas une simple absence de chaînes, mais un dialogue constant avec ce qui nous entoure. Il n’est pas seulement un homme de devoir et de combat, il est aussi un homme de passion et de tendresse. Il n’est pas seulement un guerrier, c’est un homme qui sait qu’il faut prendre soin de soi pour pouvoir encore mieux prendre soin des autres. À quelques mois des Jeux olympiques de Paris, il pose ses yeux sur un nouvel objectif. « Le ministère de l’intérieur monte une équipe, une » bulle » de sécurité autour de la flamme olympique. À la fois pour s’occuper de la protection rapprochée du porteur de la flamme et de la flamme sur tout le parcours en France et en outremer. J’ai postulé, on verra, mais j’aimerais vraiment en faire partie ! » annonce-t-il avec une fierté mesurée. Un symbole fort pour celui qui a toujours consacré une bonne partie de sa vie aux sports. Christophe, le brigadierchef, l’expert en arts martiaux ou encore le philosophe en bottes et Stetson, est un exemple vivant de ce que peut être une vie lorsque l’on ne se contente pas de la rêver, mais qu’on la vit pleinement. Christophe brille d’un éclat particulier. Non pas par sa grandeur ou sa splendeur, mais par son humanité et sa générosité. La vie est souvent un livre aux pages blanches où chacun écrit son histoire. Mais certaines histoires, comme celle de Christophe, méritent d’être lues, relues et contées, comme un écho dans le temps et l’espace, pour rappeler à chacun de nous ce que signifie être véritablement humain.