“ ELLE A LE SANG PLUS CHAUD QUE MOI ”

Valentin Porte et sa femme
Wendy a 27 ans et pratique le padel. Valentin, six ans de plus, dispute ses derniers Jeux olympiques avec l’équipe de France de handball. Wendy pratiquait le tennis à haut niveau avant de bifurquer. Elle incarne la passion, le talent et la détermination à développer l’un des sports en vogue du moment. Classée dans le Top10 en France, aux alentours de la centième place mondiale, elle s’est exilée à Barcelone pour s’aguerrir, et rêve maintenant de participer aux championnats du monde de Doha avec l’équipe de France. Valentin, son compagnon, l’accompagne dans cette quête. Nous les avons réunis pour bavarder, évoquer leurs univers. Leurs envies. Leurs interrogations.

Texte par Philippe Pailhories // Photographies par Guilhem Canal

Est-ce le sport qui vous a rapprochés ?
Wendy :
Oui. Le padel, en l’occurrence. Valentin est fan
lui aussi. On s’est rencontrés à Palavas. On s’était croisés, quelques années auparavant, mais lors d’un tournoi à Palavas où dépends de l’autre. Sur le terrain, c’est vraiment un sport d’équipe, et c’est d’ailleurs, sans doute, ce qui me plaît aussi. Je retrouve l’esprit collectif que l’on peut connaître je m’entraînais avant de partir à Barcelone. Il manquait un joueur. Valentin est venu avec nous. J’aime bien chambrer, lui aussi, il y a eu un bon feeling. Ensuite, on a bu un coup tous ensemble. Ça a été notre première rencontre. Il s’est passé un laps de temps avant que l’on se revoie.

Une vie de couple est-elle compatible avec une vie de sportifs de haut niveau ? 

Valentin : Oui. C’est même plus simple. Même si l’on ne pratique pas le même sport, on partage le même rythme de vie. Ce qui est compliqué, c’est que l’on ne se voit pas beaucoup, il y a des périodes pendant lesquelles on peut rester éloignés jusqu’à deux mois. Mais lorsque l’on est ensemble, on se comprend d’autant mieux que l’on est sur cette même longueur d’ondes.

Wendy : Je trouve que l’on arrive à s’apporter mutuellement parce que l’on sait, finalement, ce que l’autre vit et ressent. On a, quelque part, la même mentalité, et c’est un atout supplémentaire.

Y a-t-il eu d’autres sports avant le padel et le handball ?
Wendy :
J’ai joué au tennis. Beaucoup. Dans un cursus de haut niveau. Je suis partie aux États- Unis puis j’ai été prof de tennis. J’ai découvert le padel grâce au tennis.

Valentin : J’ai touché un peu à tout. J’ai très vite baigné dans le hand, mais j’ai fait un petit peu de tennis moi aussi étant jeune, à très bas niveau, et du badminton pendant dix ans. J’ai toujours eu le goût pour le sport et pour ces sports ludiques particulièrement.

Pratiquer un sport individuel et un sport collectif, est-ce vraiment si différent ?
Valentin :
Je vais apporter d’emblée une précision. Comparé au tennis, le padel est vraiment un sport collectif.

Wendy : J’ai tendance à dire que c’est le sport collectif le plus individuel qui existe.

Valentin : À force d’y jouer, je me rends compte à quel point tu dépends de l’autre. Sur le terrain, c’est vraiment un sport d’équipe, et c’est d’ailleurs, sans doute, ce qui me plaît aussi. Je retrouve l’esprit collectif que l’on peut connaître au handball, et c’est peut-être pourquoi c’est aussi compliqué pour des joueuses et des joueurs qui viennent du tennis de s’adapter. 

Wendy : Malgré tout, on ne vit pas la même expérience. Valentin, il part toute l’année avec son équipe. Au padel, on peut changer de partenaire toutes les semaines. Je n’ai jamais connu de sport collectif à proprement parler. Mais je vois comment le handball fonctionne. Il y a de l’entraide, une ambiance qui se crée, des affinités, en club comme en équipe de France.

N’êtes-vous pas partis, toi, Wendy, à Barcelone, et toi, Valentin à Montpellier, pour les mêmes raisons ? Franchir un palier, vous confronter au très haut niveau ? 

Valentin : Clairement si. Dans ma vision de carrière, et même si j’étais très bien après huit saisons à Toulouse, j’avais signifié à mon président que je n’irais pas au-delà de mon dernier contrat. J’avais envie de me challenger. L’opportunité de jouer à Montpellier s’est présentée, je n’ai pas hésité longtemps. C’était, oui, le moyen de me confronter au niveau au-dessus, de jouer la Ligue des Champions. Au moment où je prends cette décision, je suis motivé, j’ai envie d’y croire, mais c’est quand même un petit saut dans le vide parce que je change de dimension.

Wendy : En France, le padel évolue, mais il est implanté en Espagne depuis près de cinquante ans et compte plus de licenciés que le tennis. Je plonge pour ma part dans un monde complètement différent. Il y a des compétitions partout. Je pars pour voir ce dont je suis capable. C’est un véritable challenge.

Qu’est-ce que tu pourrais envier à un sport collectif comme le handball ?
Wendy :
Son esprit. Ce qu’il dégage. Le handball, c’est une équipe. Une famille. Il peut y avoir des gens que l’on apprécie moins, mais il y a des habitudes, des routines. C’est
dur dans le padel de partir seule, toutes les semaines, disputer des tournois à travers le monde. Mine de rien, je m’occupe de mes billets, de mes hôtels, de toute cette partie logistique dont Valentin est débarrassé. Ils sont assistés, et ce n’est absolument pas péjoratif quand je dis ça. Ils n’ont qu’à jouer, c’est une forme de confort que je ne connais pas. Chaque fois que je pars, je n’ai pas cette même sérénité, ce luxe d’être entourée d’une équipe familière. D’être dans une bulle agréable. L’influx que tu laisses dans l’organisation, il peut te manquer sur le terrain. En plus, je suis quelqu’un de très sociable, et c’est dur d’être seule. Créer des affinités, ça doit être agréable. En équipe de France, Valentin est dans la même chambre que Ludo (Ludovic Fabregas), ils ont leurs habitudes, c’est limite mignon.

Et toi au sport individuel ?

Valentin : Ce doit être agréable d’avoir la mainmise sur son emploi du temps. Si tu veux t’entraîner,
tu t’entraînes, si tu ne veux pas, tu ne t’entraînes pas, si tu veux faire tel tournoi, tu le fais, si tu veux t’arrêter une semaine pour voir ta famille, tu t’arrêtes. Au handball, à partir du moment où la préparation commence en juillet, on sait que l’on est dans un long tunnel jusqu’au mois de juin. Quand ça se passe bien, c’est génial, mais les saisons où ça ne se passe pas très bien, c’est parfois dur. On aimerait bien couper une semaine, dix jours, mais ce n’est pas possible. Avoir cette mainmise, faire ce dont on a envie, avec les gens avec lesquels on souhaite partager des moments, ça doit être bien, oui.

“ ON NE VIT PAS DANS LE MÊME MONDE ”

Wendy : En fait, on recherche ce que l’autre n’a pas.

Valentin : Après, quand je la vois faire, vivre constamment dans le stress, s’inscrire, prendre un billet d’avion, chercher le moins cher, jouer avec les changements d’horaires, j’imagine à quel point ça peut être usant.

Wendy, tu ambitionnes d’intégrer le Top 100 mondial, de t’installer en équipe de France, Valentin, lui, est champion olympique. Peut-il y avoir, parfois, une pointe de jalousie ?

Wendy : Aucune, non. Au contraire. Je suis hyper fière de lui, de son parcours, et je partage tout avec beaucoup d’admiration. Je ne dis pas que je vis les choses avec lui, mais un peu, quand même, à ma manière. Et puis son parcours me stimule. J’ai cette envie de revenir en équipe de France. Je ne dispute malheureusement pas les championnats d’Europe de juillet, mais il y a les championnats du monde à la fin de l’année, et j’ai très envie d’y être.

Et les conditions financières ? Tu galères à boucler le budget d’une saison quand Valentin a une stabilité qui lui permet d’aborder son sport avec plus de sérénité…

Wendy : Ce n’est pas de la jalousie. Ce qui est sûr, c’est que l’on ne vit pas dans le même monde. Dans mon sport, la galère est permanente. Mais je sais qu’il y a vingt ans ou un peu plus, le handball ne vivait pas dans ce même confort. Mais il s’est structuré, il a évolué et il mérite d’avoir ce qu’il a. On est au tout début du padel. J’accepte la différence. Mais c’est dur, parfois, de vivre avec quelqu’un qui gagne très bien sa vie, quand moi je ne gagne rien. C’est pour ça, peut-être aussi, que j’ai besoin d’avoir maintenant un meilleur équilibre financier, de m’investir au-delà des tournois, de commencer à penser à ce que je peux faire pour gagner ma vie. Je vais m’occuper de l’académie de padel My Center de Palavas, qui a également une antenne à La Grande Motte. Je vais être coordinatrice de l’académie pour les jeunes parce qu’ils ouvrent une section sports-études. Je veux être dans l’accompagnement, leur apporter mon expérience, les accompagner dans leur aventure. Les aider à ne pas vivre tout ce que je vis de négatif. Professionnaliser le plus possible. On m’a proposé aussi d’être formatrice pour le TFP, le diplôme de prof de padel.

Êtes-vous en capacité de donner des conseils à l’autre ? Pas forcément techniques, mais dans l’approche, la préparation, la gestion de la carrière.

Wendy : Au niveau hand, je peux lui donner tous les conseils qu’il veut ! Non, je rigole. Je suis dans le sport depuis toute petite, et je peux l’accompagner, oui, d’une certaine manière, mentalement, peut-être. J’admire beaucoup Valentin. C’est un sportif incroyable et sérieux. C’est dur de lui dire : ça, tu ne le fais pas comme il faut. En revanche, je détecte les moments où il n’est pas bien, je les sens directement. Ça se voit de suite. On en parle parfois. Mais les seuls conseils que je m’autorise, c’est vraiment du basique, genre profiter de chaque instant, l’aider à voir le côté positif des choses. Je pense quand même qu’il va m’écouter si mon point de vue lui semble pertinent.

Valentin : Si je m’aventure dans le domaine technique avec Wendy, je crois que je ne serai pas très crédible parce qu’il paraît, justement, que ma technique au padel est horrible. Mes qualités pour ce sport ne sont pas celles nécessaires à haut niveau. Là où je l’accompagne, c’est par rapport à cette période un peu intermédiaire du padel, un sport qui commence à poindre, mais qui n’est pas encore totalement développé. J’essaie de l’accompagner sur tout ce qui est professionnel. Cadrer, expliquer comment ça fonctionne en termes de nutrition, de prépa physique, d’entraînement, même pendant les tournois. Sur beaucoup de points, elle m’écoute, sur d’autres moins. Elle a ses propres ressentis.

Wendy : J’avais un préparateur mental à Barcelone et c’est vrai, en fait, que je me rends compte que Valentin m’apporte plus ou moins la même chose. Il m’apporte son expérience, il m’aide beaucoup. Tout ce qu’il a vécu se rapproche de ce que je vis, en termes de stress par exemple.

Avez-vous des points communs, justement, dans l’approche de votre sport ? Le caractère ? Le mauvais caractère ?

Valentin : Je pense que l’on se ressemble beaucoup sur le plaisir que l’on a à pratiquer ce sport. Le plaisir, c’est ce qui rythme ma vie. Si demain je me lève et que je traîne les pieds pour aller à l’entraînement, c’est que je serai proche de la fin. Comme moi, elle a toujours la banane. Mais elle est beaucoup plus mauvaise perdante que moi.

Wendy : Pardon ? Non, pas du tout.

Valentin : Si, si. Moi…

Wendy (elle le coupe) : En fait, on aime tous les deux gagner. On est très compétiteurs. Au padel, au hand, dans un jeu decartes. Mais nos caractères sont différents au moment où l’on perd.

Valentin : Moi, avant, j’étais un peu impulsif. Aujourd’hui, j’ai appris à perdre, même si je ne suis jamais content de perdre. Avant, j’étais catalogué mauvais perdant.

Wendy : … Dit-il alors que quand il gagne une médaille de bronze, il est prêt à la jeter.

Valentin : Non, c’était une médaille pour la quatrième place qui n’avait aucun intérêt. En vérité, elle a le sang plus chaud que moi. Je le vois, c’est de famille. Une famille italo-corse, c’est très chaud.

Wendy : Et je ne suis pas la pire de ma famille.

Vous est-il arrivé de devoir vous appuyer l’un sur l’autre dans les moments difficiles ? Lors de ta blessure à l’épaule par exemple ?

Wendy : Quand je me suis fait la luxation, il m’a énormément aidée sur tout le côté prise en charge. Il m’a permis d’avoir tout ce que l’on n’a pas dans le padel. Une équipe médicale performante et réactive. Grâce à lui, j’ai pu avoir tous les rendez-vous assez facilement. Et il m’a énormément aidée pour revenir. Il m’engueulait déjà quand je ne faisais pas les choses bien. Je dansais un peu, et il me disait  » non, ne mobilise pas le bras ! « 

Valentin : C’est toujours hyper important de partager ses sensations avec quelqu’un, d’avoir un regard extérieur, même un regard un peu naïf. J’ai toujours dit qu’on pouvait apprendre de n’importe qui. Elle est capable de me balancer des trucs auxquels je n’avais pas pensé, mais qui vont m’aider à avancer.

“ ON SE RESSEMBLE SUR LE PLAISIR QUE L’ON A À PRATIQUER CE SPORT ”

Wendy : J’ai déjà entendu que je te sublimais, c’est ça ? Aujourd’hui, je regarde tous ses matches. J’arrive à ressentir des choses que je ne ressentais pas auparavant. 

Valentin a été l’un des rares à s’exprimer sur la santé mentale des sportifs de haut niveau. Que penses-tu de sa démarche ? 

Wendy : J’ai trouvé ça très courageux. Il y en a qui peuvent prendre ça pour de la faiblesse. Non. Ça donne au contraire de l’espoir à plein de gens. On peut remonter la pente en se faisant aider. Beaucoup disent que c’est aussi une faiblesse de se faire aider, alors que non, au contraire, c’est un signe de grande intelligence.

Est-ce plus important d’être un bon sportif ou une belle personne ?

Wendy : Une belle personne.

Valentin : Oui, 100 % d’accord. Tu m’aurais posé cette même question il y a dix ans, je n’aurais peut-être pas eu cette même réponse. Mais aujourd’hui, le plus important, c’est d’être une belle personne.

Wendy : J’espère être une belle personne. C’est hyper important. Je comprends ce que dit Valentin, la manière dont il a évolué. Peut- être qu’en voulant à tout prix être exemplaire professionnellement, il en oubliait d’être lui-même.

Wendy, Valentin va participer aux Jeux olympiques à Paris. Mesures-tu cette chance de disputer une telle compétition à domicile ?

Wendy : J’en ai pleuré pour lui pendant quelques heures quand il m’a annoncé qu’il était retenu dans le groupe. C’est extraordinaire. C’est sa dernière compétition. Ses derniers Jeux. En France. C’est une chance incroyable.

Tu viendras à Paris ou Lille ?

Wendy : J’espère, oui, pouvoir être avec lui du début à la fin. Je serai à fond, à 8000 %. Je lui ai dit :  » vis chaque moment à fond, même les mauvais « . Mon frère va être papa et moi donc tatie dans le même temps. Il faudra jongler…  Je n’ai pas vécu avec lui le titre de champion d’Europe, j’étais à Barcelone, mais je ne veux pas louper cette dernière marche.

Auriez-vous, plus tard peut-être, une idée de défi sportif à vivre en commun ?
Wendy :
J’ai souvent entendu : c’est impossible de faire un truc avec son mec. Alors que dès que l’on joue ensemble, on se régale, on ne se prend pas la tête. Vu ce que l’on est, ce que l’on aime faire, oui, ça me plairait de partager un défi avec Valentin. Quand il aura terminé, que je serai sur la fin, peut-être qu’il nous manquera cette adrénaline et qu’on se lancera…

Valentin : Je ne me suis jamais vraiment posé la question. Mais on serait compatibles. Sur la piste du padel, on n’a pas perdu ensemble depuis longtemps. Ça pourrait être sympa.

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