Médecin du sport, en quoi cela consiste-t-il, en fait ?
C’est sûr, c’est un peu vaste ! (Rires) La médecine du sport, c’est transversal. Tu as des spécialistes ou des généralistes qui peuvent, via leur spécialité ou non, s’intéresser à la médecine du sport. En ce qui me concerne, je suis traumatologue du sport. Si un sportif se blesse, je dois analyser le problème et proposer des solutions. J’ai un rôle clé parce que c’est moi qui vais faire l’analyse du problème. Mais j’aime cela, être dans la prise de décision, dans le feu de l’action. Et j’aime le challenge que je partage avec ces sportifs.
Et j’imagine que dans le sport, il y a une contrainte supplémentaire, celle du délai…
Si le sportif est actif, oui c’est une contrainte car s’il est engagé dans une carrière professionnelle avec des échéances, il faut qu’il récupère rapidement.
En même temps, ce doit être challengeant…
C’est même ce qui m’intéresse le plus dans mon travail. On est parfois obligé de prendre des « risques » mesurés. Il y a un peu de pression, de la part de l’entourage, du club, du sportif, mais finalement c’est là que le travail est le plus intéressant, quand il faut être le plus performant possible en jouant avec les délais pour un retour sur le terrain.
Parfois est-ce impossible ?
Parfois on se trompe, on évalue mal la prise de risque. Et parfois il faut aussi savoir dire « là ce n’est pas possible, c’est trop dangereux ». Il faut prendre en compte avant tout le bénéfice risque. Il en va de ma responsabilité.
Pourquoi vous êtes-vous dirigé vers cette spécialité ?
Au moment de choisir une spécialité, je ne savais pas trop quoi faire, je suis allé en gastro, puis en pneumo, avant la cancéro. Et finalement rien ne me satisfaisait. J’avais du mal avec la souffrance au quotidien. Et puis le sport a toujours été très présent dans ma vie. Mon coffre de voiture, c’est Decathlon ! (Rires). Je suis parti en médecine physique réadaptation pour devenir traumatologue du sport. J’ai fini mon internat, je suis devenu chef de clinique, j’ai travaillé à l’hôpital. Et j’ai commencé à m’occuper de patients sportifs.
Aujourd’hui vous exercez une activité privée dans un cabinet…
Je travaille à la clinique Saint-Roch 70 % du temps et aussi dans une maison médicale au Parc Euromédecine. Au cabinet, je dois voir une centaine de patients par semaine. J’ai des sportifs professionnels indépendants comme les frères Lebrun.
Mais vous êtes aussi engagé avec des clubs à Montpellier…
Oui j’ai des responsabilités, des engagements avec des clubs. Au MHSC je suis responsable de la traumatologie, des blessures qui vont toucher à l’appareil locomoteur. J’ai aussi un rôle dans la signature des contrats avec les visites médicales. Après, j’ai la responsabilité du médical au BLMA où je gère la traumatologie. Enfin, je fais partie de la commission médicale du MHB. Aujourd’hui dans tous les clubs, en fonction de l’effectif, il y a tout un staff médical dont je fais partie, il n’y a pas une personne qui gère tout.
Finalement, cette spécialité n’est pas très répandue…
Je ne pense pas que l’on soit nombreux de ma génération à faire de la traumatologie du sport, encore moins à vouloir l’exercer en privé. Mais je pense qu’il y a du monde qui arrive avec les nouvelles générations.
Pourquoi dites-vous cela ?
J’ai 46 ans. Quand je me suis formé, nous n’étions vraiment pas nombreux à nous y intéresser. Aujourd’hui, il y a plus de formations, c’est mieux structuré. Il y a des sociétés savantes de médecine du sport. Nous, on se « cherchait » un petit peu. C’étaient les balbutiements.
Finalement, pourquoi cela intéresse-t-il davantage les nouveaux médecins ?
Déjà en médecine, la majorité des spécialités soignent des personnes malades, il y a beaucoup de souffrance… dans notre branche, on n’annonce pas de cancer. On n’a pas le même stress au quotidien. Et finalement, le sport c’est un domaine qui intéresse les gens, qui véhicule plein de bonnes choses sur le plan de la réussite, sur la performance. C’est de plus en plus ancré dans notre société, encore plus qu’autrefois. Les sportifs font rêver.
Et la technique a dû également évoluer…
Oui et non. L’imagerie a évolué, c’est un fait, mais il faut comprendre qu’il y a des limites sur notre spécialité, dans le sens où un genou, ça reste un genou. Moi j’établis des diagnostics cliniques, j’écoute les gens, je les examine et après je me fais confirmer mon avis par des images. On ne fait pas un examen pour trouver quelque chose. On pose une hypothèse de diagnostic et on fait tel ou tel examen pour confirmer.
Quels sont les enjeux de la médecine dans le sport ?
Tout le monde cherche à aller plus vite, à être plus rapide, plus performant. Sauf que l’on soigne le corps humain et globalement un tendon, un fémur, un ménisque… c’est le même chez tout le monde. Je pense qu’il y a des limites dans la progression, parce que cela va à l’encontre de ce que l’on est. On peut agir de diverses manières pour essayer de potentialiser et pour gagner du temps, mais il n’y a pas de bouton magique. Il faut aussi respecter la nature, la physiologie du corps, la cicatrisation des cellules.
Alors que faut-il pour réussir en traumatologie ?
La clé de la réussite vient de l’analyse de la blessure. Elle doit être la plus précise possible pour pouvoir adapter le meilleur traitement et la meilleure convalescence.
Y a-t-il des blessures ou des pathologies plus courantes que vous traitez chez les sportifs ?
Chaque discipline a ses pathologies. Les joueurs de tennis ont toujours les mêmes tendinites au poignet, au coude. Les joueurs de golf, ils ont leur truc à eux. Dans le rugby, alors là, ils récupèrent tout. Le handball aussi est hyper traumatique. Chaque sport a ses spécificités. Après, globalement, vu comment est notre constitution, c’est le genou qui prend en premier.
Quels conseils donneriez-vous en matière de sport ?
Le sport, c’est vital, il va permettre de régler de nombreux problèmes, de vivre des expériences extraordinaires. Il y a une foule de choses positives, mais il faut savoir doser pour ne pas s’abîmer. C’est ce que je vois au quotidien. Je me souviens d’un joueur de basket à la retraite qui avait une prothèse. Je lui ai demandé s’il regrettait. Il n’a pas hésité une seconde pour me dire que non, parce qu’il avait vécu des moments incroyables qui l’avaient fait rêver. Récemment j’ai vu un jeune homme, qui fait du motocross. La vingtaine. Il va bien, il est venu pour faire un point et il a commencé à me faire la liste de ses blessures… une dizaine de fractures, cinq ou six opérations… Il va faire un « mauvais vieux » ! (Rires) Mais il parle de sa passion avec une telle émotion…
Où vous voyez-vous dans dix ans ?
J’avance sans trop réfléchir à cela, je veux juste maintenir mon équilibre. Être bien. Avoir du temps pour moi et ma famille. Je n’aspire pas à plus. Je me sens montpelliérain, j’aime les clubs avec lesquels je travaille, les sportifs que je suis. Nous nous faisons vraiment confiance, je suis écouté et c’est agréable.
Journaliste Marie Gineste // Photographe Aurélia Frantz