Jennifer, comment avez-vous été introduite au monde du Drift ?
J’ai toujours eu une affinité innée pour les sports auto, probablement héritée de mon père qui était pilote de rallye. Bien que je n’aie pas été immergée dans cet univers dès mon plus jeune âge, ma passion pour l’automobile est indéniable. Mais mon véritable contact avec le Drift s’est fait en Angleterre, où j’ai résidé pendant deux ans et demi. La discipline y est beaucoup plus acceptée, contrairement à la France où nous sommes souvent perçus comme des délinquants de la route. S’il y avait des lieux dédiés où nous pourrions nous rassembler, cela serait peut-être différent.
Comment vous percevez-vous dans ce milieu ?
Je me considère comme une passionnée désireuse de partager son engouement pour la discipline.
Pouvez-vous nous parler de l’origine du Drift ?
Le Drift est une discipline que j’ai découverte en me penchant sur les voitures japonaises. Il a vu le jour dans les montagnes du Japon et est appelé le « Touge ». Le cinéma, notamment à travers des films comme « Fast and Furious, » a contribué à sa popularisation. Plus je me suis intéressée au sujet, plus j’ai eu l’envie de m’investir, d’apprendre et de pratiquer.
Comment avez-vous franchi le cap ?
Je n’ai pas voulu tarder. Cela m’a pris moins d’une année. J’ai acheté une voiture et réalisé qu’avec un budget modeste, il était possible de se lancer. J’ai commencé par assister à des événements pour
observer et établir des contacts dans le milieu. J’ai également passé de nombreuses soirées à
acquérir des compétences en mécanique, en observant d’autres passionnés travailler dans leur
propre garage. Le seul domaine auquel je ne touche pas, c’est l’électronique ! (Rires)
Vous nous parlez de cette première voiture ?
C’était une Mazda MX-5 NA avec 130 chevaux sous le capot. J’ai apporté quelques modifications pour améliorer ses performances : un frein hydraulique et un angle de braquage plus important. Aujourd’hui, cette voiture est devenue mon véhicule du « quotidien ». C’est presque une voiture de collection. J’ai aussi une Nissan 350Z de 280 chevaux.
Et votre première expérience en tant que pilote de Drift ?
C’était en Angleterre, sur un parking aménagé en circuit. C’était un apprentissage, mais l’accueil a été très encourageant. Nous n’étions que deux femmes parmi une cinquantaine de participants, mais cela reste un souvenir mémorable. Par la suite, j’ai cherché à me perfectionner en participant à d’autres événements. Et puis les premières « casses » sont arrivées. Je n’avais que 130 chevaux. Ce n’était pas assez. J’ai acheté une deuxième voiture plus performante. Une Nissan 200sx S13 290cv.
Y a-t-il un moment qui a particulièrement marqué votre carrière ?
Mon premier championnat de France à Bordeaux a été une expérience marquante. Je me souviens surtout de l’entraide sur le circuit, où les mécaniciens des autres équipes m’ont beaucoup aidée.
Quels souvenirs en gardez-vous ?
Du stress ! (Rires) Je souhaitais passer inaperçue, mais j’ai fait le trajet seule depuis Montpellier,
avec ma voiture sur une dépanneuse. Je ne connaissais personne et tout le monde se demandait : « Qui est cette fille ? ». Même « Auto-Moto » était venu m’interviewer. À ce moment-là, je me suis dit que ma vie était un film ! Ce dont je me souviens surtout, c’est de l’entraide sur le circuit. Les mécaniciens des autres équipes m’ont beaucoup aidée.
N’avez-vous pas eu peur ?
Pas vraiment. C’est souvent dans le chaos total que je réussis le mieux ! (Rires)
Vous avez également passé deux ans au Canada…
Oui, et j’ai beaucoup pratiqué là-bas. L’état d’esprit y est bien plus ouvert. J’ai énormément roulé et j’avais même acheté la même 200sx pour ne pas perdre la main. La passion, je l’emporte partout où je vais ! (Rires)
Quels défis avez-vous rencontrés ?
Gagner sa vie grâce à cette passion reste un défi considérable. Bien que des sponsors existent, leurs budgets se réduisent progressivement, notamment en raison de la transition vers des technologies non thermiques. Et en dessous de 300 chevaux, les sponsors le savent, il n’y a pas de podiums. C’est ce qui me limite le plus aujourd’hui. Entre les frais d’inscription aux compétitions, l’entretien et les améliorations nécessaires pour la voiture… devenir professionnel nécessite un budget conséquent. De plus, le drift ne propose pas de catégories distinctes. On se retrouve donc souvent à concourir contre des pilotes aux niveaux et aux puissances de voiture très différents. Beaucoup de circuits ferment également leurs portes, entraînant par la même occasion l’annulation de
nombreuses manifestations.
Vous avez été, en ce début d’année, la pilote féminine officielle en monoplace pour Wolf Racing France. Comment était cette expérience ?
Oui, et j’ai adoré cette aventure. C’était une première pour moi, mais mes performances ont été plutôt bonnes. J’ai choisi de mettre un terme à cette expérience pour des raisons d’assurance. En effet, en cas de dommage matériel, les frais auraient été entièrement à ma charge. Malheureusement, je ne dispose pas des moyens nécessaires pour couvrir de tels coûts, qui peuvent s’élever à plusieurs milliers d’euros. C’est regrettable, mais cette expérience reste un très bon souvenir pour moi.
Et pour l’avenir, qu’en est-il ?
Finalement, je suis exactement là où je souhaitais être. Je fais partie des femmes qui ont réussi à accéder aux championnats. J’aimerais aller encore plus loin, mais cela dépend désormais de mon budget et de mes sponsors. J’ai également participé à plusieurs clips vidéo pour des artistes de rap, tels que Niska. Je suis très attirée par cet univers artistique et j’aimerais beaucoup participer à des films, que ce soit en tant que figurante ou en réalisant des cascades avec ma voiture.