L’aventure sportive d’Eva Roche commence au collège Las Cazes, aujourd’hui Simone Veil, dans le quartier de la Pergola à Montpellier : « Très jeune, je bougeais partout, j’étais hyperactive donc j’ai grandi en faisant du sport pour soulager mes parents. J’ai fini par entrer en sport-études en gymnastique. » À l’adolescence, les projets professionnels de la famille la conduisent aux États-Unis, dans le Colorado, où elle découvre le plongeon acrobatique et surtout les flots tumultueux du Grand Canyon. De retour à Montpellier, elle s’inscrit au Montpellier Université Club en section Kayak : « Très vite, j’obtiens des résultats en slalom grâce à mon passé de gymnaste qui me permet d’assimiler facilement les trajectoires. » Malgré un certain retard technique, Eva décroche un titre de vice-championne de France et participe à deux Coupes du monde de slalom. « En équipe de France, je fréquente des filles qui sont prêtes à tout sacrifier pour leur sport. Je me rends bien compte que je suis bien loin de cet engagement. Je réalise que je ne rêve pas d’être championne du monde. » Si pour Eva Roche le sport de haut niveau est derrière elle, le sport reste au cœur de ses projets : « Le sport m’intéresse dans sa diversité, dans ce qu’il peut apporter à la société sur les plans de la santé, du lien social et surtout de l’émotion. » À 26 ans, elle intègre la direction générale du célèbre Club Med pour y diriger le « service des sports », avec la mission de repenser l’offre sportive pour l’ensemble des clubs à travers le monde. Partant du constat que ce sont les femmes qui organisent les vacances, Eva obtient, malgré les réticences, l’aval du Club pour modifier l’offre des cours de gym et de fitness plutôt que celles de jet-ski ou de parapente. Le succès est au rendez-vous. Une petite fille arrive alors, suivie d’un garçon, l’ancienne kayakiste décide de poser ses valises et de développer une nouvelle idée : aider les sportifs dans leur reconversion. Chaque année, plus de 3000 athlètes de haut niveau interrompent leur carrière sportive et doivent penser à une seconde vie professionnelle. Et ils sont nombreux à ne pas avoir anticipé cette reconversion. Durant plus de quinze ans, elle va ainsi accompagner plus de 4000 sportifs, notamment avec le soutien de la Région Occitanie, afin de leur permettre de se construire un avenir sur le territoire. « Il y a vingt ans, convaincre une entreprise d’embaucher un sportif n’était pas si évident. Il faut dire qu’à l’époque, le sportif… c’était un cerveau dans les biceps », explique-t-elle. Elle développe ensuite les premières approches dans le sport pour l’assureur Allianz, qui deviendra, par la suite, l’un des grands partenaires des Jeux olympiques. Forte de ces expériences, Eva porte un regard lucide et acéré sur la politique sportive en France. Elle pointe un ministère des Sports dont les postes sont trop souvent réservés aux anciens sportifs de haut niveau, au regard exclusivement tourné vers la performance. « On se retrouve avec des associations sportives qui perçoivent des subventions à la condition de former des champions, explique Eva. À quatorze ans, mon fils voulait faire du Taekwondo. Je suis allée dans un club ici à Montpellier… on m’a expliqué qu’il était trop âgé pour être compétitif. Combien de parents inscrivent-ils leur enfant dans un sport collectif pour ne pas le voir jouer le dimanche parce qu’il n’est pas le meilleur ? Le sport peut n’être qu’un moment de partage, mais très peu de structures ont cette approche. » Ce serait pourtant, selon elle, un bon moyen d’emmener le plus grand nombre vers la pratique sportive. À l’inverse, elle constate aussi que le sport, contrairement aux États-Unis par exemple, disparaît totalement des cursus universitaires : « Aucune grande école en France ne prend le sport en compte, mis à part Polytechnique. Il faut intégrer le sport dans les concours des grandes écoles et encourager la pratique du sport par nos élites, c’est la seule solution pour que le sport prenne la place qu’il mérite dans notre quotidien. » Au moment de repartir s’occuper des travaux de sa maison, Eva rappelle qu’elle a commencé à Montpellier grâce à l’opération « Place aux sports » voulue par Georges Frêche, et se félicite d’avoir intégré la commission du dispositif d’aide aux sportifs de haut niveau à Montpellier lancée par Christian Assaf, vice-président en charge des sports de la Métropole de Montpellier. « Cette Team Montpellier Haut Niveau permet aux sportifs qui émergent d’être soutenus. J’ai assisté à la remise de ces aides, 1500 € maximum. C’est peu et c’est énorme à la fois. Il fallait voir ces jeunes recevoir la première reconnaissance de leur engagement sportif, c’était génial. » L’été prochain, si tout va bien, les travaux d’Eva seront terminés. Elle pourra, en famille, s’installer devant sa télé et suivre les JO de Paris. Parce que le sport, c’est quand même toute sa vie.
Journaliste Jean Brun // Photographe Guilhem Canal