LE SPORT DE COMBAT

AWA SAGNA
ANCIENNE TIMIDE-MALADIVE, LA FONDATRICE DE PEULH FULANI A PUISÉ DANS LE SPORT, ET NOTAMMENT LA BOXE FRANÇAISE, LA FORCE DE SE CONFRONTER AU REGARD DES AUTRES.

Elle est un peu entrepreneuse, un peu danseuse, un peu hôtesse, un peu beaucoup philanthrope. Elle est optimiste. Humaniste. Elle est passionnée, solaire, avide de rencontres. Opiniâtre et inébranlable. Originaire du Sénégal, née à Paris, elle crée des ponts entre la France et l’Afrique, les traverse avec toute son élégance, sa singularité. En 2022, elle a fondé à Montpellier la « Maison de l’Afrique — Berceau de l’Humanité » pour soutenir les artistes et les start-up. Sa marque, Peulh Fulani, lancée en 2018, rend hommage à la culture Peulh, ce peuple d’Afrique de l’Ouest dont la dispersion et la mobilité ont facilité les échanges et les métissages au fil des siècles. Elle fabrique des maillots de bain haut de gamme, en matières 100 % écologiques, à partir de bouteilles de plastique, sans colorant ni solvant, pour le respect de l’environnement. Awa Sagna a déjà vécu mille vies. Mannequin, comme sa tante, Katoucha Niane, ancienne muse d’Yves-Saint-Laurent, que l’on surnommait la petite princesse Peulhe, elle a défilé pour Cartier ou Mugler, à New York, Londres, Paris ou Milan, pour Saint-Laurent, bien sûr. Un temps, elle s’est lancée dans la publicité, pour Publicis ou le groupe RTL. Elle a aussi été chroniqueuse à la télévision, a produit des émissions au carrefour du design, de la mode et de la culture, et elle a même goûté à la radio, créé des spots publicitaires. Et puis, bien sûr, elle a été sportive. Danseuse donc. Athlète également, spécialiste du 100 mètres et du saut en hauteur. Handballeuse. Championne UNSS de boxe française. « Le sport, dit-elle, c’est un versant crucial de ma vie. » Le sport l’a façonnée, oui, peut-être même sauvée. « Petite, raconte-t-elle, j’étais une timide-maladive et grâce à l’exercice physique je me suis ouverte aux autres, je me suis confrontée à leur regard, et j’ai pris confiance en moi. » La timidité maladive est une forme de timidité très sévère qui consiste à avoir peur du contact avec les autres et de certaines situations en rapport avec le monde extérieur. Elle freine les relations sociales et peut mener à l’isolement. Petite, Awa Sagna a eu la chance de rencontrer une enseignante EPS, Catherine Noël, qui l’a aidée à s’épanouir. « J’habitais à Vémars, un petit village du Val-d’Oise de 300 habitants, raconte-t-elle, et nous étions les premiers Africains à nous y installer. Les habitants nous ont pris sous leur aile. Catherine était notre voisine. Elle m’a appris la danse, à être bien ancrée au sol. Au collège, elle a proposé à ma mère, qui n’avait pas de voiture, de m’emmener aux entraînements d’athlétisme. Ma mère est d’origine sénégalaise Peulh et dans sa culture, tout ce qui est sport ou art passe forcément après les études. Catherine m’a offert des pointes et emmenée aux Championnats d’Académie. Elle m’a ensuite présentée à Jean-François Rat, qui m’a initiée au handball. Je jouais arrière gauche et je défendais les couleurs de Roissy-en-France. Et puis j’ai rencontré Sylvie Leriche, une prof de boxe française au Lycée Charles-Baudelaire. Elle voulait absolument que je m’entraîne avec les garçons et nous faire participer aux Championnats de France UNSS de Liévin, en 1997. J’y suis allée, et j’ai gagné. » Tous ces enseignants, elle le concède volontiers aujourd’hui, lui ont appris à se dépasser, à connaître son corps, à être « plus solide » pour affronter la vie. « Quand je me suis lancée avec Peulh Fulani, ce n’était pas gagné, dit-elle. Je n’avais pas les fonds. Pas de parents entrepreneurs pour m’épauler. Pas de réseau. Mais le sport m’a appris que lorsque tu veux quelque chose, il faut t’en donner les moyens. J’ai choisi un produit innovant, disruptif, d’inspiration africaine, et ce n’était pas évident de séduire les banquiers. Mais le sport nous apprend à être tenace, assidu, discipliné. » À quatorze ans, Awa Sagna mesurait déjà 1,77 m et son corps, filiforme et musclé, lui aurait sans doute permis de faire carrière, peut-être en athlétisme, ou alors en boxe française. « Mais à vingt ans, soupire-t-elle, la mode a pris le dessus. Je voyageais beaucoup, j’adore les voyages, et il m’a fallu faire des choix. » Le sport lui manque aujourd’hui. Elle est devenue maman. Sa vie trépidante ne lui permet pas d’isoler quelques demi-journées pour danser ou même courir. Bientôt peut-être. « J’aimerais aussi créer une ligne à la fois mode et fonctionnelle, un peu plus joyeuse, avec des sportives de haut niveau, indique-t-elle. Je me rends compte qu’il y a beaucoup à faire dans ce monde des tenues sportives. »

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