Une vie au gré du vent

Garat
Dans l’univers du kitesurf, quelques noms brillent avec une intensité particulière. Parmi eux, la famille Garat. Christian, le patriarche, ses fils, Sébastien et Valentin. Tous trois ont écrit une histoire familiale ancrée dans les vagues et portée par le vent.

À la fin des années 1970, Christian s’initie à la planche à voile. Originaire de la région parisienne, il découvre ce sport lors d’un été dans le Sud. « Mon père était parti travailler sur la Côte d’Azur. Je l’ai rejoint le temps d’un été. On commençait à voir les premières planches à voile. J’ai tout de suite accroché. Et puis j’ai rencontré ma femme, on a partagé cette passion. » La planche à voile devient alors un lien familial et social fort. Avec la naissance de leur premier fils, Sébastien, et plus tard d’Océane et Valentin, le couple acquiert un camping-car pour explorer l’Europe. Des voyages qui forment un cadre idéal pour leur passion commune, tissant des souvenirs indélébiles. « On a commencé à voyager Séb avait deux ans. L’idée, c’était de partir le plus souvent possible pour faire de la planche. Pendant dix ans, on est allé en Crète, on a fait les îles grecques, et on a rencontré des personnes qui sont devenues nos copains. On se posait sur la plage pendant un mois », se souvient Christian. Sébastien grandit en pratiquant divers sports, mais c’est pendant les vacances que les sports de glisse prennent toute leur place. « J’ai toujours fait de la planche à voile mais seulement pendant les vacances scolaires. On était loin de la pratique intensive. L’hiver, d’ailleurs, on pratiquait des sports de neige. Je faisais du skate, du cheval, de la gym. Mais les vacances étaient dédiées  aux sports de glisse, neige ou eau », raconte Sébastien. « La première fois où Séb est monté sur une planche à voile, il avait deux ans. Je le prenais entre mes jambes avec des brassards ». L’arrivée de la famille à Montpellier au milieu des années 1990 marque un tournant. Ce n’est que dans les années 2000 que Christian découvre le kitesurf. « Moi, je ne voulais pas en entendre parler, j’étais branché à fond planche à voile », raconte Sébastien. « Il n’était pas très intéressé par l’école, il n’avait qu’une idée en tête : être champion du monde de planche à voile. Je lui ai dit “t’es gentil mon garçon, ta mère est prof, moi je suis prof, et pour l’instant champion du monde de planche à voile, à part habiter à Hawaï, ce n’est pas un métier !” », (Rires) s’amuse aujourd’hui le père des deux champions. Le jeune garçon s’inscrit en fac de sport, conciliant ainsi études et passion. Le déclic pour le kite survient finalement lorsque Sébastien est convaincu par un ami. Rapidement, il troque son matériel de planche pour un kite, séduit par les nouvelles possibilités offertes. « Cela m’a plu car en planche à voile, il faut vraiment des vagues, il faut des tremplins pour sauter. En kite, ce qui te fait sauter, c’est le mouvement de la voile. Et comme je voulais sauter et glisser sur l’eau, cela m’a paru vraiment évident ». Sébastien, doté d’un talent naturel, enrichi par ses expériences en gymnastique et trampoline, se révèle rapidement sur la scène internationale. Il est sacré champion du monde pour la première fois en 2006. Un moment clé de sa carrière qui marque le début d’une série de succès. Cet enthousiasme gagne rapidement toute la famille, y compris le jeune Valentin. « J’avais envie de faire du kite mais j’étais trop jeune. Au début, les ailes n’étaient pas aussi développées que maintenant. C’était assez dangereux. Il n’y avait pas de matériel adapté. J’ai fait du cerf-volant en traction, mon père m’avait bricolé un truc. C’était un peu expérimental ! » (Rires) La première fois qu’il essaie, il n’a que dix ans. « Il a commencé un an après moi ! (Rires) Moi j’ai commencé à dix-neuf ans », s’amuse Sébastien. « On était un peu inquiets. Lorsqu’il est sur un vélo, tu peux courir à côté de ton enfant, tu restes sur la terre ferme ! Le matos n’avait vraiment rien à voir avec celui d’aujourd’hui. C’était un peu l’attraction parce qu’il n’y avait pas beaucoup d’enfants comme lui. À l’époque en tout cas, c’était sûrement le seul », explique Christian. Valentin, tout en poursuivant ses études et en pratiquant le rugby, trouve également son chemin dans le kitesurf. « Quand j’étais petit, je voyais Séb qui voyageait, ça me donnait envie. J’attendais juste qu’il rentre pour lui montrer mes nouveaux trucs », se souvient Val. « Je me souviens de ça, dès que je rentrais, on allait rider ensemble. On a quand même dix ans d’écart, la période où l’on a vraiment partagé à fond cette pratique ensemble n’a pas été hyper longue. Quand je finissais, tu commençais. L’année où l’on aurait pu faire le championnat de France tous les deux, toi en junior et moi en senior, je me suis blessé à l’épaule », confie Sébastien. Des blessures, il y en aura pas mal, et pour les deux. « Épaule, genou… ce sont les moments un peu plus difficiles dans la carrière. Financièrement aussi, ce n’est pas un sport où tu gagnes beaucoup, on a eu la chance l’un comme l’autre d’avoir des sponsors mais c’est quand même une situation un peu précaire parce que c’est variable d’une année à l’autre. Ça peut très vite basculer. À mon époque en plus , il n’y avait pas les réseaux sociaux, donc pas la même popularité ni visibilité », précise Sébastien. Si ce dernier n’est plus sur le circuit professionnel, Valentin, lui, a fait son petit bonhomme de chemin. Champion de France et double champion d’Europe en junior, il est sacré champion de France en 2016 avant de se blesser au genou. « J’ai vite récupéré mais j’ai remis un an à refaire le tour. J’ai fini dixième ». À nouveau champion de France en 2021, à 29 ans, Valentin compte bien continuer à faire du kite encore quelques années. « Je me suis blessé l’an dernier à l’épaule et je me suis sectionnée le tendon du PEC. Là, j’étais un peu entre deux. Mais je me suis bien remis. J’ai même l’impression, avec l’expérience, d’être plus en forme que lorsque j’avais vingt ans. Parce que je me connais mieux, je sais comment récupérer, je m’entraîne mieux. Pour l’instant je suis septième sur le tour. J’ai réalisé une très mauvaise étape au Brésil, mais ça arrive. J’ai une dernière étape au Qatar. À côté de cela, je développe aussi une activité de coaching. J’organise des séjours de kite à l’étranger pour du perfectionnement », raconte Valentin. Sans oublier un cursus à Sciences Po entamé cette année. Sébastien, après un palmarès exemplaire et un rôle de coach pour l’équipe de France, ouvre sa propre école de kite à Pérols, transmettant son savoir et sa passion. « J’ai été entraîneur en équipe de France. J’ai arrêté pour avoir une vie plus posée à Montpellier, même si c’était génial de coacher ces jeunes et mon frère ! J’ai ouvert mon école il y a cinq ans. Cela a été le moyen de trouver un métier en lien avec ce que je savais faire et avec ma passion. Il y a cette notion de transmission aussi que j’adore. La carrière, elle s’arrête assez brutalement, pas forcément quand on l’aurait souhaité. Mais bon, les blessures, le niveau qui augmente… J’avais moins le temps de m’entraîner, moins la motivation, moins la fougue aussi. J’ai acheté un bateau et je me suis installé à Pérols. J’ai très peu de futurs pro, c’est vraiment une pratique loisir-initiation, perfectionnement. C’est un sport où l’on a besoin d’un accompagnement pendant quand même pas mal de temps, parce qu’on n’est pas facilement autonome en kite. En termes de sécurité, c’est, quoi qu’il en soit, un sport qui est relativement technique, donc il y a malgré tout un bagage théorique technique et pratique à acquérir avant d’être autonome. Pas mal de gens l’oublient mais c’est un sport extrême. Je l’ai toujours en tête. Il faut un peu d’humilité aussi. Quand tu sais que les conditions ne vont pas être adaptées à ton niveau, il vaut mieux renoncer que potentiellement se blesser », insiste Sébastien. Christian et sa femme, désormais à la retraite, continuent de voyager et de pratiquer leur passion pour les sports de glisse. Le kitesurf est pour eux bien plus qu’un sport : c’est un mode de vie, un enseignement de liberté et d’humilité face aux éléments. « C’est un sport qui est beaucoup plus populaire qu’autrefois. Le matériel a beaucoup évolué en termes de sécurité et de performance. C’est vraiment un sport où tu ressens un plaisir immédiat. Et tu te connectes aux éléments, tu les subis aussi », explique Seb. « C’est un mode de vie particulier, vu de l’extérieur. Car on vit en fonction du vent et on plante tout quand c’est le moment. Finalement, c’est un peu une leçon de vie. Cela apporte beaucoup. Ce n’est pas individuel, tu as besoin de quelqu’un pour décoller ton kite sur la plage, pour le faire atterrir. Il y a vraiment un esprit plus communautaire que dans le surf, il n’y a pas de localisme. Il y a beaucoup d’entraide », témoigne Valentin. « Avec mon père, on s’est mis au wingfoil. « Moi le kite, j’en ai mangé pendant vingt ans. Je suis moins passionné. J’ai aussi pas mal d’autres activités. J’ai un enfant, je mixe, j’ai une boîte d’événementiel où je développe une marque autour d’un concept de soirée, The Bubble. Je privilégie les bonnes sessions », explique Sébastien. « On change de support. Mais la passion c’est la même, c’est glisser sur l’eau », confirme Christian.
 Voilà un récit qui inspire et émeut, rappelant que les passions familiales peuvent mener à des accomplissements extraordinaires. Leur histoire est un vibrant témoignage de la beauté de l’esprit sportif et de l’importance de poursuivre ses rêves. En incarnant les valeurs de partage, d’innovation et d’excellence, les Garat sont devenus bien plus que des sportifs ; ils sont des ambassadeurs d’un mode de vie où la liberté et la passion règnent en maîtres. Leur histoire n’est pas seulement celle de titres et de compétitions, mais aussi celle d’un héritage.

Journaliste Marie Gineste // Photographe Florent Pepet

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